Le nerf vague (nerf pneumogastrique, Xe paire crânienne) exerce une action “frénatrice” sur les fibres myocardiques du nœud sinusal, de l’oreillette droite et du nœud AV qui sont richement innervés. Cette action ralentit l’automatisme atrial et la conduction atrioventriculaire (action cardio-inhibitrice). Elle est aussi responsable d’une baisse de contractilité ventriculaire et d’une hypotension artérielle (action vasoplégique). De plus, le nerf vague favorise l’allongement des cycles sinusaux et raccourcit la période réfractaire ce qui favorise une fibrillation atriale.
Hypertonie vagale
Une hypertonie vagale est fréquente au repos chez les sujets jeunes, sportifs ou durant la nuit. Environ 6-8% de la population jeune a une tonus vagal prononcé [1]. Le tonus vagal augmente aussi en période postprandiale et en phase de récupération d’effort. Elle s’exprime sur l’ECG par une bradycardie sinusale (40-60/min) ou une arythmie sinusale respiratoire marquée. L’apparition de complexes QRS d’échappement dans ce contexte est banal et sans valeur péjorative. Un bloc AV du 1er degré ou du bloc AV 2e degré type 1 transitoire et parfois des pauses sinusales parfois supérieures à 3 secondes (nocturnes notamment) sont possibles et le plus souvent asymptomatiques (cf. ECG du sportif).
Malaise vagal
Certains sujets jeunes présentent une hypertonie vagale symptomatique. Ils rapportent des épisodes brutaux de lipothymie voire de syncope en l’absence de facteur déclenchant clairement identifiable. L’interrogatoire doit rechercher un contexte favorisant (repos, post prandial, stress…) et des prodromes visuels, acoustiques et digestifs [3]. La survenue de clonies pseudo épileptiques peut égarer vers une cause neurologique, surtout si l’ECG est normal entre les crises. Une phase post critique avec pâleur et fatigue peut durer plusieurs heures, avec parfois des récidives le même jour. Hormis quelques cas rapportés dans la littérature, la place d’une stimulation cardiaque est mal établie car si le pacemaker prévient la composante cardio-inhibitrice (bradycardie) du malaise vagal, il n’est pas efficace sur la composante vasoplégique. Des bandes de compression des membres inférieurs sont parfois efficaces (au coté des autres règles hygiéno-diététiques), en cas de déclenchement des malaises en orthostatisme.
Une hypertonie vagale aiguë peut être symptomatique dans certaines situations (ex. douleur, stress, miction, toux, vomissement, effort de déglutition, rotation du cou, orthostatisme, ischémie myocardique voire infarctus, médicaments oraux à effet vagomimétique, hypovolémie aiguë ou réflexe de Bezold-Jarisch, reflux gastro-œsophagien du nourrisson…) et s’accompagner d’un malaise vagal ou d’une syncope. Une simple piqure de la peau en vue d’un prélèvement ou d’une injection, une anesthésie locale, régionale, péridurale ou générale peut se compliquer de pause ventriculaire ou bradycardie extrêmement sévère qui peut nécessiter un traitement préventif ou curatif par atropine au cours d’une anesthésie [2]. Une syncope peut aussi survenir en cas d’hypersensibilité du sinus carotidien (cf. Réflexe sino-carotidien). Une fibrillation atriale paroxystique peut compliquer un malaise vagal.
L’origine vagale d’un malaise n’est retenue qu’après un interrogatoire circonstanciel, un examen méticuleux et un ECG concordant avec cette hypothèse, car de nombreuses étiologies de mauvais pronostic peuvent se dissimuler derrière un masque vagal. Certains critères (« vagal score ») permettent d’identifier une hypertonie vagale en cas de bloc AV paroxystique [4][5].
Diagnostics différentiels du malaise vagal
- Dysfonction sinusale. L’accélération de la fréquence sinusale après un léger effort (ex. allongé, 10 flexions des genoux sur la poitrine) ou un test de marche permet de distinguer les bradycardies vagales des bradycardies sinusales inappropriées.
- Syncopes rythmiques avec anomalie de conduction, anomalie de l’automatisme ou substrat arythmogène (syndrome de Brugada, syndrome du QT long),
- Epilepsie, car une syncope peut s’accompagner de clonies. Un tilt test positif (test d’inclinaison) peut avoir une place diagnostique pour écarter ce diagnostic.