Tachycardie antidromique

Tachycardie atrioventriculaire par réentrée antidromique.

C’est une tachycardie supraventiculaire à QRS larges, paroxystique (début et arrêt brutaux), qui s’observe dans environ 5% des cas de syndrome de Wollf-Parkinson-White [1]. L’influx descend directement depuis une oreillette jusqu’au ventricule via un faisceau accessoire perméable dans le sens antérograde, puis il remonte vers l’oreillette par la voie nodo-hissienne de façon rétrograde (cf. Conduction antidromique) avant de descendre à nouveau par le faisceau accessoire (« atrioventricular re-entrant tachycardia with retrograde conduction » ou AVRT tachycardia).

Cette tachycardie rare a un circuit de réentrée inverse de la tachycardie orthodromique que l’on rencontre dans environ 95% des cas de tachycardie par réentrée au cours du syndrome de WPW (cf. Tachycardie par réentrée atrioventriculaire).

Synonymes. Tachycardie préexcitée (preexcited tachycardia ou PXT), tachycardie antidromique, TRAV antidromique.

Le diagnostic différentiel majeur est une tachycardie ventriculaire, mais le terrain est différent (sujets jeunes en général avec cœur sain) et la tolérance est bonne [3].

Aspects ECG

La tachycardie se caractérise par un rythme rapide et régulier (180/min, extrêmes 120-250/min) et des complexes QRS larges. L’oreillette est activée de façon rétrograde par voie nodo-hissienne avec un ratio 1:1, mais l’onde P rétrograde est rarement visible.

En cas de faisceau accessoire atrioventriculaire type faisceau de Kent, les complexes QRS per tachycardie ont un aspect différent d’un bloc de branche en raison de la dépolarisation directe du ventricule, sans passer la voie nodo-hissienne (« Super Wolff »). Les QRS débutent dans certaines dérivations par une préexcitation de type onde delta « amplifiée ». L’aspect évoque en premier lieu une tachycardie ventriculaire, mais certains critères cliniques et électriques per et post tachycardie permettent parfois de les distinguer.

Formes complexes. Comme des voies accessoires multiples sont fréquentes, l’oreillette peut être dépolarisée de façon rétrograde par des fibres nodo-ventriculaires à conduction décrémentielle à l’origine d’une dissociation AV évoquant une tachycardie ventriculaire) [3]. De plus, certaines tachycardies nodales utilisent un faisceau accessoire pour le retour vers l’oreillette, ce qui peut rendre l’ECG et le traitement plus difficiles [7].

Principal diagnostic différentiel : TV

Il est souvent très difficile de distinguer sur l’ECG une tachycardie antidromique d’une tachycardie ventriculaire (a fortiori quand la notion de préexcitation ventriculaire ou de syndrome de Wollf-Parkinson-White n’est pas connue).

L’algorithme de Steurer (1994), le plus utilisé, identifie une tachycardie ventriculaire si au moins un critère est positif : « les complexes QRS sont majoritairement négatifs dans les dérivations V4 à V6 ; présence de complexes QR dans une ou plusieurs dérivations précordiales V2-V6 ; relation atrio-ventriculaire ≠ 1:1 [3][4]. La spécificité de chacun des critères est excellente, mais la sensibilité est faible et donc ces signes peuvent manquer [5]. Il faut connaitre d’autres signes distinctifs car le ratio P/QRS est rarement visible.

L’algorithme de Jastrzębski (2018) : un VT score ≥ 3 est très spécifique d’une tachycardie ventriculaire [5].

L’algorithme de Ni (2024) : en faveur d’une tachycardie ventriculaire si au moins un critère est positif [8][9] : QRS complex in leads II, III, aVF is R-type, and lead aVR is QS-type; At least two leads among I, aVF, V6 are mainly S-wave dominant ; Lead V2 shows ≥ 3 phase waves or has a returning branch notch (refers to the band of QRS complexes returning to the baseline); The initial part of lead V5 shows a negative wave or has a returning branch notch. –> Vérifiez vous-même sur l’ECG suivant

D’autres algorithmes existent (Limb lead ou celui de Basel cf. réf. [8]).

Ce n’est souvent qu’après cardioversion que l’on peut trouver (en cherchant bien) une préexcitation ventriculaire (PR court, onde delta, QRS élargis). Elle peut manquer ou être minime (cf. Préexcitation mineure ou cachée) [6].

Tachycardie de Mahaïm

En cas de faisceau accessoire atrioventriculaire droit par des fibres de Mahaïm, les QRS per tachycardie ont un aspect de retard gauche avec un axe normal (entre 0 et 75°), similaire à un bloc de branche gauche car ces fibres à conduction décrémentielle dépolarisent en premier le ventricule droit. Cette tachycardie ne présente pas de risque spécifique lors de sa cardioversion.

L’exploration électrophysiologique

Elle est essentielle pour comprendre le mécanisme de ces tachycardies AV préexcitées, car le substrat et les circuits de conduction sont complexes [7] (cf. Triangle de Coumel).

Recommandations ESC 2019 [1]

Une tachycardie par réentrée AV antidromique est généralement bien tolérée. Cependant, il est possible que le patient passe à une fibrillation atriale avec réponse ventriculaire très rapide (comme dans le cas d’une fibrillation atriale préexcitée ou d’un superWolff) soit spontanément, soit au moment de la cardioversion. Le risque de transformation secondaire en fibrillation ventriculaire, exceptionnel, mais réel, doit rester en mémoire [2] et du matériel pour une cardioversion électrique doit toujours être disponible [1].

L’adénosine n’est pas recommandée (mais n’est pas contrindiquée) pour le traitement d’une tachycardie régulière à QRS larges, lorsqu’une préexcitation ventriculaire est connue ESC 2019 [1] (cf. Adénosine mode d’emploi, précautions).

 

A – Si l’hémodynamique est compromise :  cardioversion électrique en condition d’anesthésie (ex. propofol).

B – Sinon, on peut considérer une cardioversion pharmacologique en tenant compte des précautions d’emploi de chaque médicament :

  • Tous les antiarythmiques qui freinent ou bloquent la conduction dans le nœud AV sont en théorie efficaces (sauf dans le cas de x voies accessoires) [1].
  • L’adénosine peut déclencher, après cardioversion, un passage en fibrillation atriale préexcitée, conduite aux ventricules par le faisceau accessoire (cf. Super Wolff) et parfois à l’origine d’une insuffisance circulatoire aiguë [2]. Elle n’est pas recommandée (mais n’est pas contrindiquée).
  • Pour réduire une tachycardie par réentrée AV antidromique, il faut privilégier l’emploi de médicaments qui ralentissent la conduction dans le faisceau accessoire (classe 2A) [2].
    • La flécaïnide (seul produit disponible IV en France en 2020), l’ibutilide, la procainamide, la propafénone ou une cardioversion électrique peuvent s’avérer nécessaires si les manœuvres vagales et l’adénosine * n’ont pas fonctionné (classe 2A).
    • L’amiodarone IV peut être envisagée dans certains cas (classe 2B).

Lire aussi une synthèse des Reco. ESC en français janv. 2021 (Réalités cardiologiques)

 

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Quiz : tachycardie à QRS larges 1, 2, ou 3

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ECG de A Z (P. Taboulet 2ed 2025) : https://www.livres-medicaux.com/auteur/11567-taboulet

 

Blog de SW Smith  (anglais)

 

Références


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