Les facteurs arythmogènes à l’origine d’une arythmie ont été schématisés par Philippe Coumel sous la forme d’un triangle aux sommets duquel figure un des facteurs nécessaires à l’arythmogenèse : le substrat électrophysiologique, le facteur gâchette et les facteurs modulateurs péjoratifs [1-3].
– le substrat arythmogène susceptible d’entretenir le trouble du rythme peut être une zone ischémique (ex. Séquelle de nécrose) ou une zone de fibrose (Cf. Cardiomyopathie), un faisceau accessoire ou toutes les mécanismes électro-physiologiques à l’origine d’une zone à conduction lente, induisant une ou des réentrées.
– le facteur gâchette qui lance l’arythmie peut être une extrasystolie, une accélération de la fréquence cardiaque ou plus rarement un ralentissement de la fréquence des influx.
– les modulateurs sont : neuro-humoraux (en particulier une stimulation sympathique, ou une décharge de catécholamines), électrolytiques (hypokaliémie, hypomagnésemie) ou métaboliques (ischémie, acidose). Une perturbation de ces facteurs augmentent la sensibilité du substrat et/ou facilitent la conduction au sein du circuit.
Ce n’est pas sans rappeler la triade pour la genèse d’un incendie : du bois sec (le substrat); une étincelle (la gâchette) et du vent pour attiser ou pas de pompier pour éteindre (les modulateurs)
De façon schématique le système sympathique est arythmogène tandis que le système parasympathique est anti arythmique.
Pour une arythmie ventriculaire, le facteur gâchette est généralement une extrasystole ventriculaire dont le caractère malin est apprécié au mieux par un Holter-ECG (nombre, polymorphisme, répétitivité des ESV et phénomène R/T) ou plus rarement une bradycardie. Le nombre d’ESV et leur polymorphisme manque de spécificité et ce critère n’est pas retenu actuellement dans la stratification du risque d’arythmie fatale. Le substrat arythmogène est généralement une cardiopathie structurelle, mais il peut être parfois nécessaire de le rechercher à l’aide d’une IRM avec recherche de rehaussement tardif, d’un ECG à haute amplification ou par déclenchement d’une tachycardie ventriculaire soutenue à la stimulation ventriculaire programmée. Des anomalies de conduction (cf. bloc de branche, QRS fragmentés, potentiels ventriculaires tardifs) et les hétérogénéités de repolarisation (dispersion de l’intervalle QT, alternance de l’onde T…) sont des substrats fonctionnels.
Pour une fibrillation atriale, les gâchettes habituellement rencontrées sont une extrasystolie (extrasystoles atriales et extrasystoles veineuses pulmonaires) ou une tachycardie atriale. Le substrat est une zone d’inflammation ou de fibrose telle qu’on les rencontre au cours de changements aigus ou chroniques de la tension pariétale de l’oreillette (ex. cardiopathie valvulaire, embolie pulmonaire, HTA, chirurgie cardiaque…) ou encore un faisceau accessoire. Ce type de substrat favorise des réentrées. Les facteurs modulateurs péjoratifs sont des variations du système nerveux autonome comme une hypertonie sympathique (ex. baisse de la variabilité sinusale) ou une hypertonie vagale (bradycardie, raccourcissement et dispersion des périodes réfractaires atriales).
[1] Coumel Ph (1987). Coumel P, Leenhardt A. Mental activity, adrenergic modulation and cardiac arrhythmias in patients with heart disease. Circulation 1991;83:58-70
[2] L’Extraordinaire aventure du traitement des troubles du rythme cardiaque par Jean-Max ROBIN. Quels sont les mécanismes pouvant déclencher un trouble du rythme cardiaque ? (pdf téléchargeable)
[3] Coumel Ph. Mécanismes des arythmies ventriculaires. In « Précis de rythmologie de la SFC » Saoudi N et Deharo JC. Ed. Sauramps Medical 2004. p 107-126.