Variante de repolarisation ventriculaire caractérisée par un empâtement/crochetage terminal du complexe QRS au niveau du point J [1].
Il s’agit de formes bénignes (repolarisation précoce bénigne ou benign early repolarization) dans la très grande majorité des cas de cœur sain (cf. Variantes normales de repolarisation ventriculaire). La prévalence dépend de la population étudiée et des définitions utilisées [1][10]. L’ascension du point J est fréquente dans la population générale (5,8% chez l’adulte [12] et jusqu’à 13% dans une étude finlandaise [11]).
La repolarisation précoce (RP) bénigne s’explique par un asynchronisme de repolarisation entre l’épicarde et l’endocarde responsable d’un gradient de voltage, post phase 0 du potentiel d’action, mieux visible chez certains sujets dans la région apicale, en rapport avec l’invagination profonde des fibres de Purkinje vers le sub-épicarde (cf. Repolarisation ventriculaire).
Aspect ECG [1][2]
- Ascension du point J. Dans les dérivations où l’onde R domine l’onde S (en particulier V3-V5), la fin du QRS se termine par un point J ascensionné ≥ 1 mm et la repolarisation débute par un empâtement voire un crochetage en forme d’onde J. Ce critère présent dans deux dérivations est nécessaire et suffisant [1]. Le point J/onde J peut atteindre jusqu’à 4 mm en dérivations antérieures chez l’homme.
- Sus-décalage de ST. Le point J/l’onde J est généralement suivie par un sus-décalage ascendant du segment ST – plutôt court et concave vers le haut – qui rejoint une onde T asymétrique plutôt ample, avec une pente terminale plus raide que la pente initiale, ce qui réalise un aspect « en hamac » [2]. Il n’y a généralement pas de miroir en territoire inférieur d’une RP en territoire antérieur. Ce sus-décalage de ST est d’amplitude variable dans le temps [8], plus marqué en cas de fréquence cardiaque lente, moins marqué avec l’effort et l’âge [9].
- Des ondes T amples et asymétriques sont fréquentes, tout particulièrement en dérivations V2V3 chez les hommes jeunes (Cf. Repolarisation masculine).
L’aspect peut simuler un infarctus ST+ en situation clinique compatible. La distinction est parfois difficile pour les urgentistes comme pour les cardiologues [5]. Les signes ECG associés permettent de s’assurer qu’il s’agit d’une variante de repolarisation ventriculaire.
- Les complexes QRS sont normaux, plutôt amples, et on note une croissance rapide des ondes R de V1 à V4 avec une zone de transition généralement déviée à droite (V1-V2 ou V2-V3) et une onde R quasi exclusive parfois en V4 (« transition précoce »).
- L’onde T V1 est négative ou positive mais peu voltée (TV1 < TV6).
- L’intervalle QTc est normal ou plus court que dans une population contrôle.
- L’indice de Smith (ici) est négatif (Cf. Indice de Smith à 4 variables < 18,2 [4]).
Si la RP est en très grande majorité bénigne sur cœur sain, il a été montré en 2023 que sa présence chez les patients hospitalisés pour insuffisance cardiaque aggravait le pronostic, de manière indépendante [10].
Le syndrome de repolarisation précoce
L’association d’une fibrillation ventriculaire idiopathique (ou d’une TV polymorphe) et d’une repolarisation précoce est appelé syndrome de repolarisation précoce (ESC 2022 [7]). Le cœur est morphologiquement sain. Certains critères ECG et autres outils permettent de faire ce diagnostic exceptionnel (Cf. Syndrome de repolarisation précoce).
Diagnostics différentiels
- Infarctus avec ST+. En effet, le sus-décalage de ST qui accompagne les ondes J peut simuler un infarctus ST+
En territoire antéroseptal, les arguments en faveur d’un infarctus sont une amplitude faible de l’onde R de V2 à V4 (et surtout en V4), une élévation franche du segment ST à 60 ms en V3, et un intervalle QTc allongé (arguments inverses d’une repolarisation précoce) (Cf. Indice de Smith). On peut aussi trouver un miroir en territoire inférieur, un sous-décalage latéral de ST, une onde T géante convexe ou des complexes QRS modifiés par l’ischémie (ex. distorsion terminale du QRS ou ondes Q) en faveur d’une infarctus.
En territoire inférieur. Une repolarisation précoce suivie d’un sus-décalage de ST simule parfaitement en situation clinique compatible une occlusion coronaire à son début, d’autant qu’un miroir en VL est habituel, car VL = 1/2 (DI -DIII) (voir ECG ci-dessus [12]).
- Péricardite. Les ondes J sont fréquentes au coté du sus-décalage diffus de ST.
- Hyperkaliémie. Les ondes T d’une RP peuvent être géantes (max. autour de 20 mm).
S. Smith propose une équation (cf. Indice de Smith) qui distingue repolarisation précoce d’un infarctus ST+ avec occlusion coronaire et intègre
- l’amplitude du QRS en V2,
- l’amplitude de l’onde R en V4,
- l’ascension du ST à 60 ms du point J en V3,
- et la durée du QTc Bazett fournit par l’ordinateur.
L’indice de Smith [1,196 ST-segment élévation 60 ms après le point J en V3 en mm] X [0,059 X QTc en ms] – [0,326 X amplitude de R en V4 in mm]) > 23,4 prédit un infarctus ST+ et ≤ 23,4 prédit une repolarisation précoce avec une bonne performance. Ce calcul est facile à l’aide du lien ici [4]
L’équation de S. Smith ne doit pas être utilisée en présence d’un aspect convexe du ST+, une séquelle de nécrose, une HVG, un miroir ou d’une absence d’onde S en V3 (voir ici). Elle a été évaluée par une autre équipe et possède une bonne performance [7]. Attention aux filtre bas (20 ou 35 Hz) qui réduisent l’amplitude des QRS.
Video YouTube (P. Taboulet) Cas clinique. Repolarisation précoce ou infarctus ? Formule de Smith
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