Syncope rythmique

La seconde cause de syncope après la syncope vaso-vagale est rythmique.

Certaines particularités cliniques doivent orienter (tout particulièrement et parfois avec acharnement) l’enquête vers une syncope rythmique (Cf. Syncope démarche diagnostique). Un ECG doit être réalisé précocement après une syncope inexpliquée. Des alternatives à l’ECG (ECG numériques : Watch, Kardia…) peuvent rendre des services précieux en attendant la réalisation de l’ECG. Les mécanismes sont variés [3] :

  • pause en rapport avec un bloc atrioventriculaire ou un bloc sinoatrial paroxystique. Dans le premier cas, l’activité ventriculaire (les QRS) “manque”  (cf. Syncope d’Adams-Stokes) ; dans le second cas, à la fois l’activité atriale et ventriculaire “manquent” (le tracé est plat transitoirement).
  • tachycardie ou rythme à fréquence rapide lors de l’initiation d’une tachycardie supraventriculaire, tachycardie ventriculaire ou une torsade de pointes.
  • bradycardie ou rythme à séquence lente lors de l’aggravation d’une dysfonction sinusale, un bloc sinoatrial de haut degré ou une dysfonction de pacemaker.

Il est néanmoins rare de pouvoir enregistrer l’anomalie rythmique précise qui explique la syncope. Certaines anomalies sont associées à un haut risque de récidive(s) ou de complication(s) ; d’autres anomalies sont associées à un risque mineur, sauf si la clinique évoque une syncope arythmique (palpitations préalables, douleur thoracique, syncope « à l’emporte-pièce ») (cf. Recommandations SFC 2018, 1ère Diapo du haut) [1][2]).

  • Les anomalies en rapport avec un syndrome coronaire aigu sont à haut risque [1] car exposent à des arythmies ventriculaires lentes ou rapides.
  • Certaines anomalies exposent à des pauses ventriculaires et sont à haut risque comme une bradycardie sinusale inappropriée (≤ 40 bpm), une dysfonction sinusale avec pause > 3 sec, un bloc atrioventriculaire (BAV) du 2ème degré Mobitz II, un BAV complet, ou une dysfonction de pacemaker (Tableau 2, Figure 1). D’autres anomalies exposent au risque de bloc AV paroxystique comme un BAV du 2ème degré Mobitz I ou un BAV du 1er degré avec intervalle PR très prolongé [1]; un bloc de branche gauche alternant avec un bloc de branche droit ou un bloc de branche droit avec bloc fasciculaire postérieur gauche (axe droit > 100°) alternant avec un bloc fasciculaire antérieur gauche (axe gauche < -45°). L’ECG post critique peut être strictement normal dans certains cas de dysfonction sinusale, BAV paroxystique ou préexcitaion intermittente.
  • D’autres anomalies exposent à une accélération paroxystique – mal tolérée – de la fréquence cardiaque en raison de leur potentiel arythmogène à l’étage supraventriculaire ou ventriculaire. Il s’agit par exemples d’une préexcitation ventriculaire, d’anomalies évocatrices de cardiomyopathie hypertrophique ou cardiomyopathie arythmogène du ventricule droit, d’une repolarisation Brugada type 1 ou d’un QT long congénital ou acquis (Tableau 2, Figure 2). Bloc de branche, complexes QRS larges > 120 ms, ondes Q larges ou complexes QRS amples sont des anomalies à haut risque qui doivent faire évoquer une cardiopathie ischémique ou une cardiomyopathie [1]. Les salves de tachycardie ventriculaire (≥ 3 ESV consécutives) et les torsades de pointe sont des anomalies à haut risque. Les ESV bigéminées ou à couplage court (R/T) justifient une évaluation cardiologique (Figure 3).
  • Aux porteurs de pacemaker, on peut proposer un « test à l’aimant » quand l’électrostimulation est invisible, intermittente ou anormale sur l’ECG initial ou le monitorage. Certains dysfonctionnements peuvent entrainer des malaises/syncopes comme un défaut de stimulation, une tachycardie par réentrée électronique, ou d’autres arythmies [11]. Leurs diagnostics nécessitent généralement l’avis du cardiologue rythmologue référent.

Il faut aussi chercher des mécanismes favorisants comme une hypokaliémie ou une hyperkaliémie, des signes d’imprégnation en médicament stabilisant de membrane ou une dysfonction de pacemaker.

Aux porteurs de pacemaker, on peut proposer un « test à l’aimant » quand l’électrostimulation est invisible, intermittente ou anormale sur l’ECG initial ou le monitorage. Certains dysfonctionnements peuvent entrainer des malaises/syncopes comme un défaut de stimulation, une tachycardie par réentrée électronique, ou d’autres arythmies. Leurs diagnostics nécessitent généralement l’avis du cardiologue rythmologue référent qui pourra interroger le pacemaker/défibrillateur pour analyser rétrospectivement le rythme.

Les auteurs de l’European Society of Cardiologie (2008) recommandent une hospitalisation pour un monitoring cardiaque chez les patients à haut risque. Un avis cardiologique est souvent nécessaire pour décider…

 

Il est exceptionnel – mais pas impossible – que l’ECG soit normal après une syncope rythmique !

L’absence d’hypothèse alternative, la survenue de blessure au cours de la chute, la répétitions des syncopes doivent conduire à des investigations poussées.

Ci-dessous petit memo des ECG Killers selon “Life in the fastlane” (accord de reproduction)

 

Une exploration électrophysiologique :

  • est indiquée dans les cas où le mécanisme reste inconnue après investigations non invasives, chez les patients atteints de cardiopathie ischémique (ou autre cicatrice myocardique) et chez qui on suspecte une cause rythmique (sauf indication au défibrillateur) : (classe I, niveau B).
  • doit être envisagée si une arythmie est suspectée mais non démontrée par des moyens non invasifs : en cas de bloc de branche (classe IIa niveau B); en cas de palpitations soudaines préalable ou bradycardie asymptomatique (classe IIb, niveau B).
  • autres cas très sélectifs de cardiopathie arythmogène ou structurelle  non recommandée en l’absence de cardiopathie, ECG normal et absence de palpitations (niveau III).

 

[1] Brignole M, Moya A, de Lange FJ, et al. ESC Scientific Document Group. 2018 ESC Guidelines for the diagnosis and management of syncope. Eur Heart J. 2018 Mar 19 (téléchargeable)

[2] Brignole M, Moya A, de Lange FJ, et al; ESC Scientific Document Group. Practical Instructions for the 2018 ESC Guidelines for the diagnosis and management of syncope. Eur Heart J. 2018 Mar 19.

[3] Sodeck GH, Domanovits H, Meron G. Compromising bradycardia: management in the emergency department. Resuscitation. 2007;73(1):96-102

 

Taboulet P et Duchenne J. Syncope, malaise et palpitations. Atelier 5. In Cœur et Urgences. Journées thématiques interactives de la SFMU. Coll. Références en médecine d’urgence. Collection de la SFMU. Ed Lavoisier 2019.

Taboulet P. La conduction intracardiaque. Partie I. Physiopathologie et blocs de conduction supranodaux. Ann. Fr. Med. Urgence (2014) 4:295-302

Taboulet P. La conduction intracardiaque. Partie II. Blocs de conduction intranodaux, infranodaux et intraventriculaires. Ann. Fr. Med. Urgence (2014) 4:361-370

Taboulet P. L’intervalle QT. Comment interpréter un intervalle QT ? Vidéo YouTube.