Syncope rythmique

La seconde cause de syncope après la syncope vaso-vagale est rythmique (Cf. Syncope vaso-vagale). Certaines particularités cliniques (pas de prodromes ou < 10 sec, histoire familiale de mort subite, syncope à l’effort ou en position couchée (assise), palpitations préalables, cardiopathie ischémique ou cardiomyopathie connue) ou ECG doivent orienter l’enquête vers une syncope rythmique (Cf. Syncope démarche diagnostique). Après une syncope inexpliquée par un mécanisme vaso-vagale évident, un ECG doit être réalisé précocement après le malaise/syncope. Des alternatives à l’ECG (ECG numériques : Watch, Kardia…) peuvent rendre des services précieux en attendant la réalisation de l’ECG.

Etiologies

Les mécanismes sont variés [3] et rarement enregistrés au décours de la syncope :

Pause ventriculaire

  • Une pause ventriculaire est définie par une absence de complexes QRS pendant au moins 3 secondes. Une pause d’au moins 5-10 secondes est nécessaire pour engendrer une syncope. Les causes sont secondaires à un bloc atrioventriculaire ou à un bloc sinoatrial paroxystique. Dans le premier cas, sur l’ECG l’activité ventriculaire (les QRS) “manque” (cf. Syncope d’Adams-Stokes) ; dans le second cas, à la fois l’activité atriale et ventriculaire “manquent” (le tracé est plat transitoirement).

L’étiologie rythmique la plus caractéristique est un bloc AV du 3e degré paroxystique en rapport avec un bloc intranodal ou plus fréquemment un bloc infranodal. Avant la syncope, la conduction intracardiaque est en général altérée, mais peut exceptionnellement être normale [1]. Pendant la syncope ou au décours, des ondes P sont présentes mais ne sont pas conduites et un rythme d’échappement apparaît et capture le rythme. En cas de bloc intranodal, les complexes QRS d’échappement jonctionnel sont fins (sauf bloc de branche associé).  En cas de bloc infranodal, les complexes QRS d’échappement ventriculaire sont larges (sauf bloc intrahissien situé dans le tronc du faisceau de His). Le rythme d’échappement ventriculaire est d’autant plus lent que son origine est basse (tronc puis branche du faisceau de His, puis fibres de Purkinje, puis myocytes ventriculaires). Des ondes T inversées profondes sont fréquentes avec parfois un intervalle QT long.

Une étiologie neurocardiogénique doit être recherchée en l’absence de cause cardiologique évidente ou d’hypotension orthostatique. Il s’agit de la syncope vagale réflexe qui résulte de l’inhibition du système sympathique et de la stimulation excessive du système vagal, souvent par hypersensibilité du sinus carotidien. Ce diagnostic doit être recherché chez l’adulte après avoir écarté les causes précédentes et une pathologie carotidienne (cf. Massage sinocarotidien).

Rythme rapide

  • Tachycardie supraventriculaire. Il s’agit en particulier des flutters atriaux 1/1, des FA à réponse rapide > 200/min, des FA conduites par un faisceau accessoire (super Wolff)
  • Tachycardie ventriculaire. Il s’agit en particulier des torsades de pointe, des  TV communes ou des TV catécholergiques

Rythme lent

  • Bradycardie ou bradyarythmie sévère secondaire à une bradycardie sinusale inappropriée (≤ 40 bpm), une dysfonction sinusale, un bloc AV de haut degré, une dysfonction de pacemaker. Ces anomalies sont à haut risque de récidive syncopale [1].

 

ECG

L’ECG ne montre parfois que des anomalies qui suggèrent ou trahissent l’existence d’un substrat arythmogène à haut risque d’arythmie comme [1] :

D’autres anomalies exposent à une accélération paroxystique syncopale de la fréquence cardiaque par le biais de tachycardie supraventriculaire ou tachycardie ventriculaire.

  • Une préexcitation ventriculaire, une repolarisation type Brugada ou un QT long congénital ou acquis QTc répétés ≥ 460 ms (“ECG killer”).
  • Les ESV bigéminées ou à couplage court ou sur QT long (surtout si phénomène R/T)
  • Les salves de tachycardie ventriculaire (≥ 3 ESV consécutives) et les torsades de pointe
  • Un QT court (QTc ≤ 340 ms)

D’autres anomalies encore exposent à la survenue d’un rythme lent ou de pause ventriculaire syncopale

  • Certains blocs AV enregistrés en post critique sont particulièrement à risque d’aggravation et donc de récidive(s) de syncope. Il s’agit moins des blocs AV du 1er degré avec intervalle PR très prolongé (> 300 ms) ou des blocs AV du 2e degré Mobitz 1 que des blocs AV du 2e degré Mobitz 2, des blocs AV 2 sur 1 ou des blocs de haut degré.
  • Les aspects compatibles avec un bloc trifasciculaire sont les plus à risque : un bloc de branche gauche alternant avec un bloc de branche droit ou un bloc de branche droit avec bloc fasciculaire postérieur gauche (axe droit > 100°) alternant avec un bloc fasciculaire antérieur gauche (axe gauche < -45°) [1].

 

Evaluation du risque

La SFC a identifié en 2018 les anomalies ECG associées à un haut risque de récidive(s) ou de complication(s) qui justifient une évaluation cardiologique de préférence immédiate ; d’autres anomalies sont associées à un risque mineur, sauf si la clinique évoque une syncope arythmique (palpitations préalables, douleur thoracique, syncope « à l’emporte-pièce ») [1][2]).

Une repolarisation précoce atypique (Cf. Syndrome de repolarisation précoce) est considérée comme une cause possible de syncope rythmique (ECG findings suggesting arrhythmic syncope: Table 5), mais n’est pas considérée comme un facteur à risque de récidive à court terme (Table 6) [1].

Aux porteurs de pacemaker, on peut proposer un « test à l’aimant » quand l’électrostimulation est invisible, intermittente ou anormale sur l’ECG initial ou le monitorage. Certains dysfonctionnements peuvent entrainer des malaises/syncopes comme un défaut de stimulation, une tachycardie par réentrée électronique, ou d’autres arythmies [11]. Leur diagnostic nécessite généralement l’avis du cardiologue rythmologue référent qui pourra interroger le pacemaker/défibrillateur pour analyser rétrospectivement le rythme pendant la syncope.

Il faut aussi chercher des mécanismes favorisants comme une hypokaliémie ou une hyperkaliémie, des signes d’imprégnation en médicament stabilisant de membrane ou une dysfonction de pacemaker.

Les auteurs de l’European Society of Cardiologie (ESC 2018) recommandent une hospitalisation pour un monitoring cardiaque chez les patients à haut risque. Un avis cardiologique est souvent nécessaire pour décider…

Un ECG normal ou ne montrant que des anomalies non spécifiques du segment ST n’exclue pas la possibilité de faire un épisode d’arythmie sévère dans les 30 jours qui suivent la sortie des urgences (étude multicentrique 2018 ; 22% des patients qui ont fait une complication rythmique sévère [6]). The presence of non-sinus rhythms, multiple premature ventricular conductions, short PR interval, first degree atrioventricular blocks, complete left bundle branch blocks, and Q/ST/T segment abnormalities consistent with acute or chronic ischemia on the initial ED ECG increased the risk for a serious cardiac arrhythmia identified within the first 30 days after the index ED visit by 2–3 fold. 

 

Il est exceptionnel – mais pas impossible – que l’ECG soit normal après une syncope rythmique !

L’absence d’hypothèse alternative, un terrain cardiovasculaire à risque, la survenue de blessure au cours de la chute, la répétitions des syncopes doivent conduire à des investigations poussées.

Ci-dessous petit memo des ECG Killers selon “Life in the fastlane” (accord de reproduction)

 

D’autres explorations sont souvent nécessaires, si on suspecte une syncope rythmique, en particulier un Holter implantable (Reveal®), voire une EEP endocavitaire.

 

Une exploration électrophysiologique endocavitaire (ESC 2018 [1]) :

  • est indiquée dans les cas où le mécanisme reste inconnue après investigations non invasives, chez les patients atteints de cardiopathie ischémique (ou autre cicatrice myocardique) et chez qui on suspecte une cause rythmique (sauf indication au défibrillateur) : (classe I, niveau B).
  • doit être envisagée si une arythmie est suspectée mais non démontrée par des moyens non invasifs : en cas de bloc de branche (classe IIa niveau B); en cas de palpitations soudaines préalable ou bradycardie asymptomatique (classe IIb, niveau B).
  • autres cas très sélectifs de cardiopathie arythmogène ou structurelle  non recommandée en l’absence de cardiopathie, ECG normal et absence de palpitations (niveau III).

 

Taboulet P et Duchenne J. Syncope, malaise et palpitations. Atelier 5. In Cœur et Urgences. Journées thématiques interactives de la SFMU. Coll. Références en médecine d’urgence. Collection de la SFMU. Ed Lavoisier 2019.

Taboulet P. La conduction intracardiaque. Partie I. Physiopathologie et blocs de conduction supranodaux. Ann. Fr. Med. Urgence (2014) 4:295-302

Taboulet P. La conduction intracardiaque. Partie II. Blocs de conduction intranodaux, infranodaux et intraventriculaires. Ann. Fr. Med. Urgence (2014) 4:361-370

Taboulet P. L’intervalle QT. Comment interpréter un intervalle QT ? Vidéo YouTube.

Autres références (réservées aux abonnés)

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