Effet stabilisant de membrane

Réduction de perméabilité des canaux ioniques membranaires des cellules myocardiques en rapport avec l’interaction de certaines substances lipophiles avec les lipoprotéines de la membrane cellulaire. Cette moindre perméabilité des canaux sodiques et potassiques entraîne une altération des propriétés électrophysiologiques des myocytes et une modification particulière des potentiels d’action ventriculaire [1]. Cet effet a été observé initialement en présence des antiarythmiques de classe I (inhibiteurs du canal sodique) dont les quinidiniques d’où le synonyme d’effet ou action ” quinidine-like “.

Les stabilisants de membrane sont nombreux. Il s’agit en particulier des antiarythmiques de classe I et des antidépresseurs tricycliques. Mais de très nombreuses substances possèdent cette propriété dose-dépendant : certains antipaludéens dont quinine, chloroquine et halofantrine, les phénothiazines, anti-histaminiques, le lithium, la cocaïne, le dextropropoxyphène, certains bétabloquants (propranolol et sotalol), le magnésium

Le ralentissement de la phase 0 du potentiel d’action lié au blocage des canaux sodiques ralenti proportionnellement la vitesse de dépolarisation des fibres à réponse rapide ce qui ralenti la vitesse de conduction entre les myocytes et prolonge la durée des QRS (loi de Weidmann). Le ralentissement de la phase 3 lié au blocage des canaux potassiques allonge la repolarisation et donc l’intervalle QT.

 

Diagnostic ECG

  • L’imprégnation se traduit par un aplatissement des ondes T et un allongement de l’intervalle Q-T avec un intervalle QTc parfois très long ≥ 500 ms (cf. Syndrome du QT long).
  • L’effet stabilisant de membrane se traduit par élargissement des QRS ≥ 120 ms, lequel est un signe fiable d’intoxication sévère. Il peut s’agir d’un bloc intraventriculaire non spécifique ou d’un bloc de branche. Les QRS peuvent devenir ≥ 160 ms, surtout dans leur portion terminale avec déviation axiale droite. Cela s’exprime particulièrement dans la dérivation VR où une onde R > 3 mm ou un rapport R/S > 0,7 est très souvent le signe révélateur d’un blocage des canaux sodiques [3][4] (cf. Antidépresseur tricyclique. Toxicité 1, Chloroquine). Les QRS peuvent devenir “monstrueux” ≥ 200 ms spontanément ou après des convulsions [7][10]. L’hémodynamique est en règle compromise avec choc cardiogénique. La survenue de convulsions (acidose, hypoxie et tachycardie) peut précipiter le décès [7].
  • La fréquence cardiaque varie selon le toxique et la dose ingérée. Une bradycardie est habituelle en cas de prise de certains bêtabloquants (propranolol et sotalol). Une tachycardie sinusale est habituelle en cas de prise d’antidépresseur tricyclique ou cocaïne. En cas de tachycardie à QRS larges, le rythme supraventriculaire est souvent masqué car les ondes P sont souvent aplaties ou cachées dans la repolarisation précédente.
  • L’intervalle QT long (parfois ≥ 600 ms) est souvent masqué par la durée prolongée des QRS ou une tachycardie.
  • La repolarisation présente parfois un aspect Brugada (Cf. Diagnostics différentiels du Brugada) [5][6], parfois déclenché par une acidose et sensible aux bicarbonates semi-molaire ou molaire [10].
  • Des troubles du rythme sévères (tachycardie supraventriculaire, tachycardie ventriculaire, bloc AV de haut degré, asystole…) sont possibles et parfois fatals [1][2].

L’effet stabilisant de membrane est dose-dépendant et fréquence-dépendant  [1][2]. Il se traduit par un élargissement du QRS qui augmente selon la fréquence des dépolarisations ventriculaires et peut atteindre ou dépasser 200 ms (la toxicité augmente avec une fréquence cardiaque élevée qui favorise la fixation des SM sur les canaux ioniques). L’exemple type est le flutter flécaïnide qui conduit en 1 sur 1 les influx atriaux vers les ventricules (Cf. Flutter flécaïnide).

 

L’intoxication à la chloroquine est le prototype même des intoxications aux stabilisants de membrane (Cf. Chloroquine).

 

Vidéo YouTube P. Taboulet (24 min) : ECG toxique

 

Le pronostic est lié à la durée des QRS. Les ordinateurs ne sont pas fiables pour la mesure des QRS très larges. Pour une mesure manuelle, il faut aligner le mieux possible 6-7 voire 12 dérivations et débuter les mesures de début et de fin des QRS à l’aide des dérivations les plus informatives, en général les dérivations précordiales (cf. ci-dessous). 

Autres ECG : Antidépresseurs tricycliques, Bêtabloquants, Cocaïne, Chloroquine

Diagnostic différentiel

L’hyperkaliémie présente trois signes communs possible avec une intoxication à stabilisant de membrane : QRS très dysmorphiques, onde R > 3 mm en VR et phénocopie Brugada. En cas de doute, si l’hémodynamique est compromise, il faut traiter sans attendre la biologie.

Traitement

Les sels de sodium hypertoniques et alcalins (bicarbonates ou lactate molaire 250 à 500 ml en 30-60 minutes) sont indiqués en cas d’élargissement des QRS au delà de 120 ms (cf. Antidépresseur tricyclique. Toxicité 1). L’effet est spectaculaire [8][9]. Leur efficacité est moindre pour le traitement des intoxications à la chloroquine (Cf. Chloroquine).

 

Vidéo YouTube P. Taboulet (24 min) : ECG toxique

Blog de SW Smith

 

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