Drogue sympathomimétique qui stimule le SNC et le muscle cardiaque (inhibition de la recapture de la noradrénaline et de la dopamine). Elle peut induire une ischémie myocardique voire un infarctus (AHA 2023 [17]). De plus, la cocaine possède un effet stabilisant de membrane qui modifie l’électrophysiologie et donc l’électrocardiogramme.
Les conséquences sont différentes en consommation chronique ou aiguë et selon le terrain cardiovasculaire [1][1bis]. L’usage peut être fatal.
Consommation chronique
En consommation chronique, près de 40% des tracés ECG présentent des atypies ou des anomalies avec, de façon décroissante [2] :
- amplitude augmentée des complexes QRS (hypervoltage),
- sus-décalage chronique du segment ST (variante de repolarisation) ou anomalies non spécifiques du segment ST-T,
- parfois séquelles de nécrose.
Le risque de fibrillation atriale augmente [15]. Le risque d’infarctus augmente, même chez un sujet jeune sans autre facteur de risque [3][5] en particulier dans l’heure qui suit l’usage [14]. Dysfonction ventriculaire gauche, cardiomyopathie dilatée et myocardite sont possibles [4].
La cocaïne peut parfois révéler un ECG de type Brugada par inhibition du canal sodique rapide (cf. Effet stabilisant de membrane)
Des recommandations de la HAS sont disponibles pour la prise en charge des consommateurs de cocaïne (HAS. fév. 2010).
Consommation aiguë
La stimulation α- et β-adrénergique est responsable d’une augmentation de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle, d’une demande accrue en oxygène et responsable parfois d’ischémie myocardique, d’un vasospasme coronaire voire d’un infarctus du myocarde et/ou d’une arythmie ventriculaire.
Un consommateur de cocaine qui consulte aux urgences pour douleur thoracique a un infarctus dans 5-10% des cas [6]. Les étiologies à l’origine de l’infarctus sont très variées [3] : rupture de plaque avec thrombose endoluminale, sténose coronaire, coronary microvascular dysfunction, dissection coronaire, vasospasme, takotusbo.
La clinique est souvent atypique (homme plutôt jeune, milieu urbain, polyintoxication, tabagisme associé, douleur atypique une heure après la prise ou davantage, poussée d’HTA, pseudo AVC, pseudo dissection aortique, fièvre…) [6]. Les symptômes évocateurs d’une ischémie myocardique aiguë peuvent être masqués derrière un cortège de symptômes non spécifiques.
Conduite à tenir devant une suspicion d’infarctus (AHA 2008) [9]
Le risque d’infarctus avec ou sans sus-décalage de ST augmente dans l’heure qui suit une prise de cocaïne [14]. Il faut toujours rechercher une insuffisance coronaire aiguë en cas de douleur thoracique, typique ou atypique, même chez un jeune cocaïnomane, et a fortiori si d’autres facteurs de risque sont présents. L’ECG doit être réalisé rapidement, répété en fonction de l’évolution ± couplé à un monitoring cardiaque si la douleur est persistante.
L’ECG est le plus souvent anormal, mais non spécifique (tachycardie sinusale, aplatissement des ondes T, repolarisation précoce) [10]. Il faut faire des dosages de troponine car un vasospasme a pu se produire et régresser en amont de l’ECG.
H 25 ans, ECG anormal mais non spécifique. Deux dosages de troponines négatives et une évolution favorable permettent la sortie des urgences.

L’ECG peut afficher des signes classiques évocateurs d’ischémie aiguë (sus-décalge ou sous-décalage de ST > 1 mm) qui doivent conduire à une prise en charge conforme aux recommandations en cas d’infarctus.
H 40 ans. Infarctus ST+ inferobasal

H 32 ans. Douleur thoracique, dyspnée crescendo, choc cardiogénique (thrombose IVA) avec Pattern de de Winter

Le diagnostic d‘infarctus peut être extrêmement difficile parce que les signes ECG d’ischémie myocardique sont absents ou masqués par une tachycardie, un allongement du QT ou un élargissement des complexes QRS (cf. effet stabilisant de membrane) ou parce qu’une variante de repolarisation ventriculaire, une myocardite ou une phénocopie Brugada mime un infarctus ST+.
Variante de repolarisation précoce (pseudo stemi ou fake stemi)

Phénocopie Brugada induite par la cocaïne

Une bonne connaissance des pièges, de la surveillance et du traitement est nécessaire (voir ci-dessous).
–> ECG Interpretation in Cocaine Chest Pain (10 patients presented with cocaine-associated chest pain).
Les patients dont la douleur persiste de façon évocatrice malgré un ECG normal/douteux avec positivité de la troponine sont généralement explorés par une angiographie coronaire urgente à la recherche d’une occlusion coronaire aiguë ou un vasospasme [7]
Les patients dont la douleur est atypique ou récurrente, avec un ECG non diagnostic, peuvent être pris en charge dans une unité de surveillance pour une période d’observation de 9-12 h avec traitement médical (aspirine, BZD et dérivés nitrés), dosages répétés de la troponine, et surveillance rapprochée des tracés à la recherche d’arythmie ventriculaire ou modifications ECG. Cette stratégie est valide pour écarter les patients à risque et réduire le nombre d’angiographies normales [8]. Une épreuve d’effort à distance peut être envisagée dans les cas qui restent douteux (troponine négative).
Traitement initial d’un syndrome coronarien aigu
Les benzodiazépines (diazepam, lorazepam IV. à dose titrée) restent le pilier de la gestion initiale de la pression artérielle et de l’agitation psychomotrice chez les patients atteints d’une intoxication aiguë à la cocaïne. De plus, les inhibiteurs du canal calcique, les antagonistes des récepteurs α 1-adrénergiques (phentolamine) et les nitrates peuvent être utilisés pour l’hypertension sévère induite par la cocaïne et les douleurs thoraciques [17].
Recommandations AHA 2008 [9]
- En première intention, dérivés nitrés et benzodiazépines (classe I) [10]. Ces médicaments diminuent la tension artérielle, la tachycardie, le vasospasme et l’anxiété. L’oxygène peut être utile.
- En seconde intention, si l’efficacité est insuffisante sur le contrôle des signes adrénergiques, un inhibiteur calcique (vérapamil ou diltiazem) ou un alpha-bloquant (phentolamine : 1 mg/5 min IV, 1-10 mg/h en PSE) sont éventuellement envisageables (classe IIb).
- En cas de suspicion d’infarctus, aspirine et HBPM sont indiqués en routine.
- L’angiographie diagnostique est recommandée en urgence en cas de persistance de la douleur que l’ECG soit typique, douteux (repolarisation précoce) ou normal).
- Les bétabloquants sont classiquement contre-indiqués car ils peuvent majorer le vasospasme et l’hypertension systémique (Mc Cord AHA 2008 [9] et Antman AHA 2004 [11]). Néanmoins, l’aspect iatrogène des bétabloquants est controversé dans l’analyse complète de la littérature en 2019 [12].
- Le traitement des arythmies ventriculaires dépend de l’intervalle entre la consommation de cocaïne, l’apparition d’une arythmie et le traitement.
Effet stabilisant de membrane
La cocaïne possède un effet stabilisant de membrane caractérisé par un élargissement des complexes QRS avec apparition d’un axe droit ou extrême avec onde R > 3 mm en VR lié au blocage des canaux sodiques et un allongement de l’intervalle QTc lié au blocage du courant potassique tardif (ce qui allonge la durée du potentiel d’action).[13] Une phénocopie de Brugada est possible. Cette action est variable selon les troubles hydro-électriques, la fièvre ou l’hypoxie associée. L’induction de post-dépolarisations précoces est responsable des arythmies ventriculaires observées et parfois fatales.
1- Les arythmies ventriculaires survenant immédiatement après la consommation de cocaïne résultent de l’effet stabilisant de membrane (inhibiteur du canal sodique) sur le myocarde. L’apparition de complexes QRS larges atypiques avec un pattern d’effet stabilisant de membrane peut engager le pronostic vital. Il est sensible aux bicarbonates de sodium, en particulier en cas d’acidose métabolique [10][16][17].
Ces arythmies peuvent répondre à l’administration de bicarbonate de sodium (cf. YouTube, l’ECG toxique). –> Recommandation ESC 2023 [17] : solution 150 mEq/L, vitesse 1–3 mL/kg/h (1–3 mEq/kg/h). Autre schéma fréquent en France, 100 ml de bicarbonates (ou lactates) molaire à 84 p. mille = 100 mEq à passer en 30 min, à renouveler si besoin une fois = 200 meq en une heure.
Blog de S Smith (x cas cliniques) Brugada cocaine-induced Cardiac arrest, severe acidosis, and a bizarre ECG

2- Les arythmies ventriculaires qui surviennent plusieurs heures après la dernière utilisation de cocaïne sont généralement secondaires à une ischémie, dont la prise en charge devrait être le premier objectif du traitement. La gestion standard des arythmies ventriculaires, y compris la lidocaïne, est raisonnable pour les arythmies ventriculaires persistantes ou récurrentes.
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