Digitaliques, digoxine (toxicité)

À concentration toxique (> 2 ng/l), les digitaliques sont proaryhmogènes en rapport avec l’hypertonie vagale et l’hyperexcitabilité qu’ils induisent à tous les étages. Cette hyperexcitabilité est secondaire à l’inhibition profonde de la pompe Na+/K+ couplée à l’échangeur Na+/Ca++ responsable de l’accumulation du calcium intracellulaire à l’origine d’activité déclenchée (cf. Post-dépolarisations).

Le tableau associe des signes cliniques (asthénie, nausées, vomissements, troubles plus rares de la vision des couleurs et parfois confusion) à des signes ECG variés qui dépendent de l’état cardiaque antérieur (rythme, bloc de branche…) et sont plus ou moins associés [1][2][3][4] :

  • cupule digitalique et onde U ample qui sont des signes d’imprégnation digitalique
  • bradycardie sinusale sévère avec souvent bloc AV du 1er ou 2e degré type Mobitz 1 (au maximum bloc AV 2/1), plus rarement bloc AV du 3e degré intranodal et rythme d’échappement
  • fibrillation atriale à réponse ventriculaire lente en rapport avec un bloc AV de haut degré et souvent un rythme d’échappement
  • extrasystoles : atriales, jonctionnelles et/ou ventriculaires souvent polymorphes
  • arythmies organisées tels une tachycardie atriale focale, un rythme idiojonctionnel accéléré et/ou une tachycardie ventriculaire. L’association d’une fibrillation atriale avec une tachycardie jonctionnelle non paroxystique est évocatrice [2]

Rappel. Les digitaliques modifient/altèrent la conduction intra atriale et nodale, mais ne modifient pas la conduction intraventriculaire (contrairement aux inhibiteurs du canal sodique). Il n’y a donc jamais induction de bloc de branche ou bloc infra-nodal (type Mobitz type 2) par les digitaliques.

Conduite à tenir [5]

Devant un signe de toxicité (bradycardie, extrasystoles nombreuses, arythmie autre que la FA), il faut arrêter le traitement, doser la digoxine, le potassium et la créatinine et monitorer le patient. L’hypokaliémie favorise la toxicité et doit être corrigée tandis que l’hyperkaliémie est un signe de gravité dont le traitement passe par l’antidote spécifique antidigitalique (pas de traitement hypokaliémiant). La digoxinémie n’est pas toujours corrélée avec les signes toxiques.

Le décès peut survenir soudainement par fibrillation ventriculaire ou asystole, généralement précédée par une bradycardie sévère, rebelle à l’atropine. Il peut aussi survenir chez un sujet âgé à l’occasion d’un infarctus mésentérique lié au bas débit.

En cas de bradycardie, le premier temps du traitement repose sur l’atropine. Un traitement prophylactique des arythmies sévères par anticorps anti-digitaliques (Digidot® à demie dose) est justifié en cas de facteurs de mauvais pronostic. Le traitement curatif d’un bloc AV de haut degré, d’une TV, d’une FV et/ou asystole repose lui aussi sur les anticorps anti-digitaliques (Digidot® pleine dose).

 

Blog de SW Smith et autres cas cliniques

[1] Taboulet P, Baud FJ, Bismuth C. Clinical features and management of digitalis poisoning. Rationale for immunotherapy. Clinical Toxicology 1993; 2:247-260

[2] Ma G, Brady WJ, Pollack M, Chan TC. Electrocardiographic manifestations: digitalis toxicity. J Emerg Med. 2001; 20(2):145-52. Review.

[3] Yang EH, Shah S, Criley JM. Digitalis toxicity: a fading but crucial complication to recognize. Am J Med. 2012;125(4):337-43.

[4] Fisch C, Knoebel SB. Digitalis cardiotoxicity. J Am Coll Cardiol. 1985;5:91A-98A. (téléchargeable) –> This report focuses on arrhythmias that are highly specific for digitalis toxicity and on those that now are less commonly encountered. The discussion and classification of the arrhythmias are based on their most probable electrophysiologic mechanism.

[5] Lapostolle F, Borron SW, Verdier C, Taboulet P, Guerrier G, Adnet F, Clemessy JL, Bismuth C, Baud FJ. Digoxin-specific Fab fragments as single first-line therapy in digitalis poisoning. Crit Care Med. 2008;36(11):3014-8

 

Urgences on line. protocole Intoxication aux digitaliques.