Infarctus 5c. BBG

Un bloc de branche gauche (BBG) est présent à la phase aiguë d’un infarctus dans presque 5% des cas et aggrave le pronostic [1].

Le BBG gêne le diagnostic d’infarctus car l’activation électrique des ventricules est profondément modifiée : l’activation septale est inversée et l’activation du VD précède celle du VG laquelle se fait alors entièrement de droite à gauche. Il est donc naturel d’observer un rabotage des ondes R et/ou une onde Q (ou QS) en précordiales droites et/ou en dérivations inférieures (DIII-VF). En outre, ce bloc s’accompagne d’anomalies secondaires de la repolarisation qui peuvent masquer les altérations ischémiques du segment ST-T [2].

Néanmoins, le diagnostic d’infarctus avec sus-décalage du segment ST (occlusion coronaire aiguë) est possible en présence d’un BBG. Il doit être évoqué devant l’existence d’un décalage du segment ST improbable pour un bloc gauche. Rappelons qu’en cas de BBG ou de pacemaker, le décalage du segment ST est opposé à la polarité du QRS. Ainsi, on parle de discordance appropriée si le segment ST est sus-décalé quand le QRS a une polarité négative et vice versa. La perte de la discordance appropriée est à la base de la reconnaissance d’un infarctus en cas de BBG ou de pacemaker et H. Sgarbossa en 1996 a proposé des critères précis (Cf. Critères de Sgarbossa [3]).

Les critères de Helena Sgarbossa

Ils sont positifs si [3]

a – concordance positive entre ST+ et QRS+ (1 mm)
b – concordance négative entre ST- et QRS- (1 mm)
c – majoration de discordance entre ST et QRS (≥ 5 mm)

Ces critères possèdent une excellente spécificité > 90% (peux de faux positifs), mais une sensibilité moindre et leur absence ne permet donc pas d’exclure le diagnostic d’infarctus (voir valeurs [3]).

Le ratio de vraisemblance positif du critère « majoration de la discordance » est le plus faible des trois (voir valeurs [3]), car une majoration de discordance avec un ST+ ≥ 5 mm en dérivations septales peut se rencontrer – sans infarctus – au cours de cardiopathies non ischémiques lorsque l’amplitude de l’onde S est ample. Ainsi, une onde S ample de 50 mm (5 mV) peut s’accompagner d’un sus-décalage secondaire de ST de 10 mm ((ST/S = 0,2 donc < 0,25) en l’absence d’infarctus (ex. HVG et BBG). A l’inverse, un ST+ < 5 mm peut témoigner d’un infarctus si les QRS en dérivations septales sont peu voltés. Ainsi, un ST+ de 4 mm peut correspondre à un infarctus si l’onde S qui précède est ≤ 15 mm (ST/S > 0,25). Enfin une majoration de discordance témoin d’un infarctus peut s’observer dans les dérivations où l’onde R domine S, lorsque le segment ST est profondément sous décalé (ST/R > 0,3).

Pour cela, SW Smith a affiné la règle de Sgarbossa.

Les critères de H. Sgarbossa modifiés par S. Smith

Smith a redéfini le critère « majoration de la discordance » ainsi [4] :

  • En cas de ST+ : par un ratio des amplitudes de ST/S dans une seule dérivation ≥ 0,25 (ex. 5/20 = 0,25, 7/25 = 0,28 ou 10/35 = 0,28) ou autrement dit par un sus-décalage de ST > 25% de l’onde S.
  • En cas de ST- : par une amplitude du sous-décalage de ST > 30% de l’onde R (ex. 3/9 = 0,33, 4/11 = 0,36).

Lorsque ce critère remplace le critère 3 de Sgarbossa, la performance de l’ “algorithme de Sgarbossa modifiée par Smith” est meilleure que l’algorithme original de Sgarbossa (sensibilité 91%, spécificité 90%, RV+ 9 et RV- 0,1).

Attention, en cas d’instabilité hémodynamique, FC > 130/min, insuffisance respiratoire ou œdème pulmonaire, les patients n’étaient pas inclus. En effet quand les besoins en oxygène augmentent, des anomalies de repolarisation s’ajoutent à celles qu’induisent le BBG.

La performance de l’algorithme modifié ainsi par Smith est meilleure que l’algorithme initial de Sgarbossa (sensibilité 91%, spécificité 90%, RV+ 9 et RV- 0,1) [4]. Dans deux études ultérieures, les critères de Smith gardent une excellente spécificité, mais une sensibilité moindre (Cf. critères de Sgarbossa). En conclusion, la modification par Smith des critères de Sgarbossa améliore la reconnaissance d’une occlusion coronaire aiguë en présence d’un BBG avec des QRS d’amplitude anormale ou tachycardie.

A noter que la concordance de l’onde T dans deux dérivations n’apporte pas d’aide significative au diagnostic d’infarctus aigu en cas de BBG [3][4bis].

 

Vidéo YouTubeBloc de branche gauche et cardiopathie ischémique. P. Taboulet (23 min)

Voir aussi :

  • Infarctus et pacemaker
  • Séquelle de nécrose et BBG,
  • Signe de Cabrera, 
  • Signe de Chapman,
  • Complexes QRS larges fragmentés.

Lire cette très belle synthèse de Nikus et Perez-Riera (des grands pédagogues de l’ECG) avec des ECG très explicites [12].

Dr. Smith’s ECG Blog [10]

 

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