Expression électrique habituelle d’une occlusion coronaire aiguë dans les premières heures. La reconnaissance sur un ECG d’un infarctus ST+ est cruciale, car elle conduit à une prise en charge spécifique (Ibanez B, ESC 2018 [8]).
Critères diagnostiques ECG
Les critères ECG ont été redéfinis en 2018 (Fourth Universal Definition of Myocardial Infarction [1]). Ils ne s’appliquent qu’en situation clinique compatible avec une ischémie myocardique prolongée et en présence d’anomalies persistantes (ex. “persistant ST-elevation“).
- Le premier critère est un nouveau sus-décalage de ST au niveau du point J dans au moins deux dérivations contiguës ou adjacentes : en V2-V3 ≥ 0,2 mV (2 mm) chez l’homme après 40 ans (≥ 2,5 mV avant 40 ans) et ≥ 0,15 mV (1,5 mm) chez la femme ou ≥ 0,1 mV (1 mm) dans les autres dérivations.
Ce critère manque de sensibilité (faux négatifs), car il existe d’authentiques infarctus évolutifs avec une élévation plus modeste (subtile) du ST dans deux dérivations (ex. < 1 mm) ou une élévation > 1 mm dans une seule dérivation, en particulier quand les QRS sont bas voltés ou l’onde R non proéminente (R < S). Cela s’observe principalement dans les territoires électriques inférieur (cf. Infarctus inférieur), latéral-haut (cf. Infarctus latéral), basal ou ventriculaire droit (cf. Infarctus ST+ subtils).
Ce critère manque aussi de spécificité (faux positifs), car de nombreux patients ont un sus-décalage du point J qui peut atteindre 4 mm en V2-V3 lorsque les QRS sont amples chez un sujet jeune (Cf. Variante de repolarisation ventriculaire), en cas d’hypertrophie ventriculaire gauche ou bloc de branche gauche et de très nombreuses pathologies ± aiguës (cf. sus-décalage de ST : étiologies non ischémiques) [2][3].
Le sus-décalage du point J n’est qu’un des éléments du diagnostic positif d’occlusion coronaire aiguë, tant s’en faut.
- Le second critère est l’existence d’un bloc de branche gauche dont la repolarisation diffère de la règle de la discordance appropriée qui prévaut en cas de complexes QRS larges (concordance ou majoration de la discordance entre la polarité du complexe QRS et celle de la repolarisation au niveau du point J (cf. Critères de Sgarbossa, Discordance appropriée) [1]. Cette attitude peut être étendue à d’autres anomalies de base et notamment un pacemaker, un BBD et une HVG (cf. Infarctus et pacemaker, Infarctus et HVG, Infarctus et BBD).
- Le troisième critère est un sous-décalage de ST limité de V1 à V3 (2 mm), en particulier lorsque l’onde T est positive. Ce critère semble paradoxal, mais il peut témoigner d’un infarctus basal dont seul le miroir est visible en V1-V3(V4) sur un tracé de douze dérivations. Il manque de spécificité, mais le diagnostic peut être confirmé par l’enregistrement précoce d’un sus-décalage de ST ≥ 0,5 mm dans au moins deux dérivations (voire une seule) de V7 à V9 (Cf. Infarctus basal).
Trucs et astuces
Cette classification académique (ST+ ou non ST+) présente de nombreuses faiblesses (faux positifs et faux négatifs). Il faut savoir que plus de 25% des malades avec un ECG non ST+ (selon le premier critère), présentent une occlusion coronaire prouvée par la coronarographie [6][7]. On appelle ces entités des équivalents ST+ (“occlusion myocardial infarctus“) [5].
Ainsi, d’autres critères permettent de suspecter une occlusion coronaire, malgré l’absence de décalage académique du point J dans deux dérivations contiguës : ondes T amples ou hyperaiguës, infarctus ST+ subtiles, sous-décalage de ST dans ≥ 6 dérivations et ST+ en VR, onde T de de Winter (cf. Equivalents-ST+).
Dans les cas douteux, il est nécessaire de rechercher d’autres signes d’occlusion coronaire comme des complexes QRS modifiés par l’ischémie, un miroir du ST+ en dérivations opposées, des ondes T amples, un intervalle QT parfois allongé (“pattern recognition” [7]) ou des troubles du rythme évocateurs (Cf. Infarctus et trouble du rythme). Il faut également répéter les tracés pour détecter des changements dynamiques du segment ST (majoration du sus-décalage) ou des QRS (cf. ECG en situation ischémique).
C’est souvent sur l’évolution des tracés ou la comparaison avec un ECG antérieur que le diagnostic d’occlusion coronaire aigu peut être porté, mais “time is muscle“.
The progression of ECG findings seen during acute coronary occlusion and reperfusion (The OMI Manifesto. S. Smith 2018/04)
Vidéo YouTube (P. Taboulet, 40 min). Les équivalents ST+ à haut risque
Le Blog de S. Smith critique sévèrement la classification des SCA non ST+/ ST+ qui conduit à sous-estimer le nombre d’occlusions coronaires aigües qui nécessite une reperfusion coronaire.
- One hour lecture on Subtle ECG findings of Acute LAD Occlusion
- The OMI Manifesto (avril 2018)
- Initial Reperfusion T-waves, Followed by Pseudonormalization. Diagnosis?
- ST changes due to limb lead LVH?
- Anatomy of a Missed LAD Occlusion (classified as a NonSTEMI)
Pronostic
Les éléments ECG précoces associés à un mauvais pronostic sont le nombre de dérivations impliquées par le sus-décalage, l’importance de celui-ci (cf. Onde de Pardee), la localisation en dérivation V1 (cf. Infarctus inférieur) et/ou VR (cf. Dérivation VR), l’existence d’un miroir, la somme des décalages positifs et négatifs, l’élargissement des QRS (cf. Complexes QRS larges), un bloc de branche gauche et l’existence de complications rythmologiques (Cf. Infarctus et arythmie).
Test de McCabe. 36 ECG pour évaluer votre performance à la reconnaissance d’un Infarctus ST+ (Vidéo avec solutions sur YouTube).
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