TV 3. fasciculaire (Belhassen)

Tachycardie ventriculaire d’origine fasciculaire (hémibranche postérieure, plus rarement antérieure gauche) ou septale haute. C’est une TV paroxystique bénigne qui survient sur cœur sain (TV idiopathique) chez un sujet jeune [1]. Une cellule de Purkinje acquiert un automatisme anormal à l’origine d’une extrasystole ventriculaire fasciculaire antérieur qui se propage par réentrée (rythme réciproque au sein du réseau postérieur). Ces TV appartiennent au groupe des TV du système de His-Purkinje [2].

Synonymes. TV sensible au vérapamil ; Tachycardie de Belhassen ; Bouveret ventriculaire

Les tachycardies fasciculaires surviennent plutôt chez l’adulte jeune sans cardiopathie sous-jacente avec une prédominance masculine. Elles sont dites bénignes (« tachycardie ventriculaire idiopathique » ou « Bouveret ventriculaire »), car elles sont paroxystiques (elles s’arrêtent généralement seules) et n’évoluent pas vers une arythmie ventriculaire maligne. Néanmoins, elles peuvent compromettre l’hémodynamique en cas de cardiopathie. Elles sont constamment sensibles au vérapamil.

 

Diagnostic ECG

  • Les QRS ont l’aspect d’extrasystoles fasciculaires, moins larges que des extrasystoles ventriculaires, avec retard droit et axe gauche ou axe supérieur (axe positif en DI-AVL ou VL-VR) dans la forme commune ou axe droit (forme rare où l’origine fasciculaire est antérieure gauche) [3]. Les QRS sont souvent amples (avec RDI + SDIII > 30 mm) et peu larges (durée 120 ms ± 15) [4].
  • Un syndrome post-tachycardique est classiquement noté avec une onde T négative dans la région inféro-latérale et basale.
  • Entre les crises, les ESV fasciculaires sont rares, mais une éventuelle étude électrophysiologique montrerait que ces crises de tachycardies paroxystiques sont faciles à déclencher et arrêter [10].

Ces TV sont trompeuses, car elles miment une tachycardie supraventriculaire à QRS larges [5]. Il faut y penser chez un sujet jeune (entre 15 et 40 ans environ) sans cardiopathie en cas de tachycardie à QRS larges avec retard droit et axe inférieur, car cette TV est constamment sensible au vérapamil (les autres traitements ne sont peu ou pas efficaces, sauf parfois l’adénosine [11]). Le pronostic est bon si le diagnostic est bon et le cœur sain !

Le bilan clinique et paraclinique d’une première TV est codifié (ESC 2022 [9]). Il comprend généralement une échocardiographie et un Holter [2]. L’IRM est souvent proposée pour éliminer une cardiopathie.

Diagnostics différentiels

Les indices de TV  (ex. dissociation AV, indice de Vereckei, signe des oreilles de lapin en V1, intervalle RS en précordiales < 100 ms ou (Cf. Indices de TV) peuvent manquer et les QRS peu larges peuvent égarer vers une tachycardie supraventriculaire à QRS larges [5].

Il peut s’agir d’une tachycardie atrioventriculaire par réentrée, ou moins fréquemment d’un flutter atrial 1:1 ou tachycardie atriale 1:1 avec bloc bifasciculaire [11].

Il peut s’agir plus rarement d’une tachycardie sinusale avec bloc bifasciculaire et bloc AV I (Voir ci-dessous).

Traitement

Le traitement curatif est le vérapamil qui est l’inhibiteur calcique de choix car les autres traitements sont souvent inefficaces (amiodarone, chocs électriques…). Il provoque un ralentissement lent et progressif de la fréquence puis son interruption [7]. L’adénosine est occasionnellement efficace (blog de S Smith). L’adénosine et la xylocaïne sont parfois efficaces [8].

Le traitement préventif repose sur le vérapamil, mais ce sont les bêtabloquants qui s’avèrent efficaces la plupart du temps (plus rarement le flécaïnide). Certains patients aux crises rares n’ont besoin d’aucun traitement.

L’ablation par radiofréquence est le traitement radical actuel des tachycardies symptomatiques ou rebelles [9]. L’enregistrement endocavitaire révèle un potentiel de Purkinje qui précède les QRS de plusieurs dizaines de millisecondes [11] et le mapping permet de localiser le foyer d’automatisme initial avant l’ablation.

 

Cas cliniques

Autres ECG et références (abonnés)

[1] Belhassen B, Rotmensch HH, Laniado S. Response of recurrent sustained ventricular tachycardia to verapamil. Br Heart J. 1981; 46:679-682. (téléchargeable)
[2] Metzner A, Ouyang F, Wissner E, Kuck KH. Monomorphic and polymorphic ventricular tachycardias arising from the His-Purkinje system: what do we know? Future Cardiol. 2011;7(6):835-46.
[3] Peeters H et al. Left posterior fascicular tachycardia: a diagnostic and therapeutic challenge. Acta Cardiol 1999; 54 :45-8
[4] Andrade FR, Eslami M, Elias J, et al. Diagnostic clues from the surface ECG to identify idiopathic(fascicular) ventricular tachycardia: correlation with electrophysiologic findings. J Cardiovasc Electrophysiol. 1996;7(1):2-8.
[5]  Alzand BS, Manusama R, Gorgels AP, Wellens HJ. An “almost wide” QRS tachycardia. Circ Arrhythm Electrophysiol. 2009;2(2):e1-3. (téléchargeable)
[6] Andrade FR, Eslami M, Elias J, et al. Diagnostic clues from the surface ECG to identify idiopathic(fascicular) ventricular tachycardia: correlation with electrophysiologic findings. J Cardiovasc Electrophysiol. 1996;7(1):2-8.
[7] Gill JS, Blaszyk K, Ward DE, Camm AJ. Verapamil for the suppression of idiopathic ventricular tachycardia of left bundle branch block-like morphology. Am Heart J. 1993;126(5):1126-33
[8] Francis J, et al. Idiopathic fascicular ventricular tachycardia. Indian Pacing Electrophysiol J. 2004;4(3):98-103. (téléchargeable)
[9] Zeppenfeld K, Tfelt-Hansen J, de Riva M, et al. 2022 ESC Guidelines for the management of patients with ventricular arrhythmias and the prevention of sudden cardiac death. Eur Heart J. 2022 Oct 21;43(40):3997-4126. (téléchargeable)

Ramprakash B, Jaishankar S, Rao HB, Narasimhan C. Catheter ablation of fascicular ventricular tachycardia. Indian Pacing Electrophysiol J. 2008; 8(3):193-202. (téléchargeable)

[10] Chen H, Chan K, Po SS, Chen M. Idiopathic Left Ventricular Tachycardia Originating in the Left Posterior Fascicle. Arrhythm Electrophysiol Rev. 2020 Feb 12;8(4):249-254.
[11] ecgpedia