Embolie pulmonaire

Obstruction partielle ou complète d’une artère pulmonaire, le plus souvent causée par un caillot fibrino-cruorique (sanguin). D’autres causes existent (graisse, gaz, tumeur, bactéries…) [1].

Le diagnostic d’embolie pulmonaire (EP) est suspecté sur la clinique +++ devant toute dyspnée, douleur thoracique ou syncope inexpliqué(e)… Tous ces symptômes justifient de réaliser rapidement un ECG pour éliminer un diagnostic différentiel (en particulier un syndrome coronaire aigu) [1][17], éclaircir le terrain cardiologique et modifier l’hypothèse clinique d’EP. Néanmoins, si certaines modifications de l’électrocardiogramme (ECG) sont parfois évocatrices en cas d’EP, l’ECG seul n’est pas suffisamment sensible ou spécifique pour permettre ou exclure ce diagnostic [6] qui repose essentiellement sur l’angioscanner pulmonaire réalisé en cas de D-dimères positifs (cf. scanner D. Tagan).

NB. Après une syncope ou un malaise inexpliqué, en particulier s’il y a de la dyspnée, une chute de la tension artérielle, une tachycardie ou une désaturation en O2, il est prudent de laisser le patient allongé tant qu’on n’a pas exclu la possibilité d’une embolie pulmonaire : YouTube, P.T., 23 min Urg 2024 (Palais des congrès) : Syncope : facteurs de gravité. Cas clinique.

Physiopathologie

L’ECG ne sera affecté que si l’EP est suffisamment grave pour entraîner une altération de la dynamique cardiaque du côté droit (oreillette et ventricule droits). La manifestation sur l’ECG dépendra de l’étendue de l’obstruction dans l’artère pulmonaire et de l’historique médical du patient. Pour cette raison, il a peu de valeur pour écarter une hypothèse d’EP en cas d’obstruction peu sévère. De plus, les modifications évocatrices peuvent s’observer au cours d’autres causes de cœur pulmonaire aigu ou d’autres pathologies.

Un ECG normal s’observe dans environ 30% des cas et ne doit jamais être utilisé pour écarter une hypothèse d’EP formulée cliniquement [1][1bis][8][11]. Il ne dispense pas du dosage des D-dimères et si besoin de l’imagerie.

Un ECG typique d’insuffisance cardiaque aiguë renforce l’hypothèse préalable d’EP (théorème de Bayes) et oriente la stratégie de diagnostic et de traitement dans cette direction [6]. On l’observe généralement en présence d’une forme clinique grave avec souvent une dilatation sévère du ventricule droit.

Signes du « cœur pulmonaire aigu » [1bis][2][10][18]

De nombreux signes existent, mais chacun a une sensibilité, une spécificité et une reproductibilité faibles [10].

Dans le sens de la lecture de l’ECG, on peut observer :

  • tachycardie sinusale
  • dérivations frontales
    • le signe S1Q3 avec en DI une onde S plutôt profonde (ex. > 3 mm voire > R) et en DIII présence d’une onde Q (parfois infarctoïde) qui atteste d’une dextrorotation ou, plus spécifique, le signe S1Q3(T3) avec présence d’une onde T inversée en D3 (littérature anglo-saxonne [2][2bis]).
    • une déviation axiale droite lorsqu’en DI on observe R/S < 1 [9].
    • parfois des ondes P pulmonaires (PDII > QRS ou PDII > 2,5 mm)
  • dérivations précordiales
    • un retard droit (RsR’ en V1) ou bloc de branche droit (incomplet ou complet) ou onde Q (aspect qR ou QR).
    • des ondes T inversées de V1 à V3(V4) et en DIII [3][9][10]
    • une zone de transition tardive dans le précordium (R/S ratio > 1 apparaît en V5 voir V6, biblio [1]). Ce signe peu spécifique est méconnu, mais souvent présent dans les formes sévères.

D’autres signes de mauvais pronostic ont été rapportés (lire les revues [15][13]).

  • fibrillation atriale ou autre tachycardie atriale [1bis][13][22]
  • onde P pulmonaire (amplitude de PDII ≥ 2,5 mm)
  • microvoltage des QRS en dérivations frontales ou microvoltage diffus.
  • ST+ en V1(V3) avec parfois phénocopie d’ECG Brugada [4][5][25]
  • ST+ en VR [7][14] et parfois en DIII : assez constant dans les formes graves
  • sous-décalage de ST de V4 à V6, ST+ V1, ST+ III, Qr V1, HAD, FA [13]  et parfois ST-T descendant « en marche d’escalier » (exceptionnel)

L’apparition d’ondes T inversées (ou aplaties) en dérivations inférieures ou antéroseptales (1/3 des cas) avec une tachycardie (1/4 des cas) ou un S1Q3T3 seraient les signes les plus fréquents [2bis][3][8].

Pattern embolie pulmonaire

Plus il y a de signes évocateurs (« pattern ») d’embolie pulmonaire, plus la probabilité de survenue de cette maladie et de sa gravité augmente (Score de Daniel [10][13]).

  • tachycardie avec surcharge ventriculaire droite (S1Q3T3, BID ou BBD ou ondes T inversées V1V4) [16][21]
  • apparition d’un bloc de branche droit (voir ci-dessous) avec QRS fragmentés larges ou onde Q en V1(V2) [22][23].

 

Trucs et astuces

Il faut souvent se contenter d’une fréquence cardiaque accélérée (pas forcément > 100/min) et d’un ou deux signes ECG évocateurs de souffrance septale ou de dextrorotation ou une modification des tracés ECG précédents pour renforcer une hypothèse d’embolie pulmonaire.

Plus les anomalies sont évocatrices, plus la probabilité d’EP augmente (score ECG) [1].

On n’affirme pas un diagnostic d’EP devant un ECG évocateur de cœur pulmonaire aigu car aucun signe n’est assez spécifique (nombreux faux positifs). En revanche, la présence d’un (et a fortiori plusieurs) signe évocateur de cœur pulmonaire aigu sur l’ECG augmente la probabilité post-test d’EP.

On n’écarte pas un diagnostic d’EP devant un ECG normal ou subnormal car l’ECG n’est pas une méthode diagnostique assez sensible (nombreux faux négatifs). L’ECG n’est pas un « rule out test ».

 

Diagnostics différentiels

  • Syndrome coronaire aigu
    • un ST+ est possible en cas d’EP sévère, en dérivation septales V1V2(V3) ou/et inférieures, lié à la souffrance ischémique (infarctus de type 2 [23]).

    • toute tachycardie au cours d’une douleur thoracique, syncope ou dyspnée doit faire penser à une EP grave [24] !

    • L’association d’une onde T inversée à la fois en V1 et DIII (Kosuge sign) aurait la meilleure valeur diagnostique pour différentier EP (association +) et SCA (association -) [11][12].
  • Agressions aiguës diverses : les anomalies du ST-T ne sont pas spécifiques [13] et se rencontrent au cours d’autres pathologies (BPCO/emphysème en poussée, asthme aigu grave, HTAP, cocaïne, anémie…) [9][13].

 

 

Cas clinique YouTube, P.T., 23 min Urg 2024 (Palais des congrès) : Syncope : facteurs de gravité. Cas clinique.

Raisonnement Bayesien : Andréa PENALOZA (Bruxelles, BELGIQUE) (video 15 min)

Biblio mise à jour sur PubMed ici et syncope étiologies

Biblio syncope et embolie pulmonaire (prévalences : ici)

Blog de SW Smith (anglais)

Cas cliniques détaillés

TUC 2013 (Cours audio)

Intérêt du score PERC = 0 pour s’abstenir de doser les D-dimères [19][20]

  • Si moins de 50 ans, pouls <100/min, SpO2 > 94%, pas de gonflement unilatéral des jambes, pas d’hémoptysie, pas de chirurgie ou de traumatisme dans les 4 semaines, pas de thrombose veineuse profonde ou d’embolie pulmonaire antérieure, et pas d’utilisation d’hormone orale.
  • Bon score, mais qui a montré des limites…

 

Faîtes des quiz sur le site web (plusieurs niveaux de connaissance 1 à 3).

Solution : Cardiopathie ou agression 1

 

Si vous souhaitez améliorer ce contenu, merci de me contacter

 

YouTube : ma playlist

ECG de A Z (P. Taboulet 2ed 2025) : https://www.livres-medicaux.com/auteur/11567-taboulet


La suite est réservée aux membres et stagiaires du site.
Se connecter | Devenir membre | Devenir stagiaire