Hyperkaliémie

L’hyperkaliémie (élévation du potassium extracellulaire > 5,2 mmol/l) est un trouble hydro-électrolytique fréquent rencontré en particulier chez l’insuffisant rénal, avec certains médicaments* ou dans certaines situations aiguës (hypovolémie, iode, rhabdomyolyse). Elle peut perturber profondément l’électrogénèse et la conduction des influx au travers du cœur et donc menacer le pronostic vital.

 

 

La reconnaissance d’une hyperkaliémie sur l’ECG peut être extrêmement facile comme extrêmement difficile, tant les conséquences sur l’électrogénèse varient en fonction des anomalies préexistantes (ex. QRS larges ou pacemaker) et du niveau d’hyperkaliémie. Plus l’hyperkaliémie est sévère, plus les anomalies affectent la genèse du rythme, la conduction intracardiaque et la repolarisation ventriculaire, aussi compare-t-on l’hyperkaliémie avec la syphilis du coeur, tant les aspects électrocardiographiques sont variés.

Néanmoins, certains signes sont particulièrement évocateurs d’hyperkaliémie sévère et doivent être connus car l’hyperkaliémie tue parfois “sans attendre” (Cf. YouTube L’ECG métabolique).

Hyperkaliémie modérée

Elle modifie la phase 3 du potentiel d’action des myocytes, dépendante essentiellement des canaux potassiques [2], ce qui modifie la repolarisation ventriculaire et peut se traduire par : [1]

  • Des ondes T amples, pointues et symétriques, de durée relativement courte et d’aspect « en tente » ou dans plusieurs dérivations précordiales (surtout V2-V4) parfois en dérivations inférieures ou de façon plus diffuse [2]. Une onde T pointue > 50% de l’amplitude de l’onde R dans une dérivation où R > S doit faire évoquer le diagnostic. Attention, les ondes T sont parfois chétives, mais étroites et symétriques.
  • Des ondes T géantes avec un aspect pointu « en stalagmite » et séparées des complexes QRS par un segment ST raide et un peu court sont particulièrement évocatrices d’une hyperkaliémie.
  • Parfois un raccourcissement de l‘intervalle QT.

Hyperkaliémie sévère

Elle altère plus on moins les autres phases du potentiel d’action des cellules atriales et ventriculaires en raison de la moindre polarisation du potentiel de repos (phase 4) qui devient moins électronégatif (ex. –80 mV au lieu de –90 mV) ce qui ralentit la phase de dépolarisation rapide qui en dépend (phase 1), l’entrée du calcium (phase 2) et la repolarisation (phases 3 et 4) [2].

 

Cela se traduit par des anomalies d’automatisme et de conduction “à tous les étages”, avec des tracés très variés et parfois par une hémodynamique sévèrement altérée.

 

A – Réduction de l’automatisme et ralentissement de la conduction

A l’étage atrial

  • bradycardie sinusale, bloc sinoatrial voire paralysie sinusale
  • bloc inter-atrial (onde P bifide, aplatie, allongée, presque invisible).

 

A l’étage jonctionnel

  • bloc AV de degré variable, souvent difficile à caractériser car les ondes P sont aplaties, effacées.

A l’étage ventriculaire

  • élargissement des complexes QRS prenant l’aspect d’un bloc intraventriculaire (durée > 110 ms) ou d’un bloc de branche atypique par sa durée (ex. ≥ 160-220 ms), son aspect en lame de sabre (BBG) ou sa repolarisation (perte de la discordance appropriée des ondes T)
  • axe droit ou supérieur droit,
  • onde R ample en VR > 3 mm (ou S < R)

Le diagnostic différentiel avec une intoxication à effet stabilisant de membrane est difficile.

B – Anomalies de repolarisation

  • Des ondes T amples débutent précocement après les complexes QRS larges et peuvent effacer le segment ST (JT court). Elles sont typiquement amples et pointues – parfois géantes (Cf. Onde T ample) – avec une pente initiale plus verticale que la pente finale (onde T « plus que symétrique »). Elles sont parfois confondues avec des QRS par les scopes de monitoring ou les algorithmes d’interprétation et la fréquence affichée est alors doublée (« signe du scope ») [13].

  • Le segment ST peut être
    • sous-décalé et et mimer un infarctus sans sus-décalage de ST lorsque l’onde T débute d’un point J très abaissé (mimant alors des ondes ondes T de Winter).
    • sus-décalé dans les formes sévères et mimer alors un infarctus avec sus-décalage de ST en V1-V2 voire en territoire inférieur
    • prendre l’aspect en V1-V2 d’un aspect proche du syndrome de Brugada [5][9].

  • L’intervalle QT peut être allongé, car les QRS s’élargissent, mais le JTc peut être normal ou court (raccourcissement du JT).

C – Trouble du rythme ventriculaire ou pseudo ventriculaire

  • TSV à QRS larges mimant une TV (sensible aux bicarbonates ou au calcium IV). Le tracé peut prendre l’apparence d’une sinusoïde caractéristique (“sine-wave”) qui ressemble à une tachycardie ventriculaire (défibrillation inefficace +++)
  • Tachycardie ventriculaire en rapport avec des post-dépolarisations.
  • Le décès peut survenir par fibrillation ventriculaire

D – En cas de rythme électro-entrainé (pacemaker)

  • Des ondes T+ amples et positives avec une pente ascendante raide et qui démarrent à la fin des complexes QRS larges ou des ondes T+ symétriques en regard de QRS positifs doivent suggérer le diagnostic (perte de la discordance appropriée) [11].
  • Les complexes QRS électroentraînés peuvent dépasser les 300 ms [3].
  • Dysfonction du stimulateur cardiaque avec défibrillation indue chez les porteurs de défibrillateur cardiaque [4].
  • Le décès peut aussi survenir par asystole même si le patient est porteur d’un stimulateur cardiaque (défaut de capture) [10].

Traitement

L’ECG n’est pas assez sensible pour écarter une hypothèse d’hyperkaliémie et ne peut servir de test isolément pour exclure une hyperkaliémie [1][6][7]. Mais certains aspects sont quasi pathognomoniques d’une hyperkaliémie sévère. Ainsi une bradyarythmie sévère à complexes QRS très larges (ex. QRS ≥ 160 ms) avec des ondes T amples et pointues [14] ou au contraire une tachycardie à QRS très larges ou de forme sinusoïdale justifient un monitoring et un traitement empirique d’urgence pour prévenir une fibrillation ventriculaire ou une asystole [8][9].

Traitement étiologique et traitement correcteur : Hyperkaliémie traitement et vidéo YouTube Hyperkaliémie (suite) et Hypokaliémie (17 min)

Vidéo YouTube (P. Taboulet 45 min). L’ECG métabolique

 

Médicaments hyperkaliémiant : bloqueurs du SRA (IEC/ARA2) qui vont agir sur la sécrétion d’aldostérone, les anti-aldostérones, la supplémentation potassique, les médicaments qui interviennent sur le métabolisme du potassium (digitalique, AINS, b-bloquants, anticalcineurines, héparine, kétoconazole, amiloride, trimethoprime, pentamidine).

Autres ECG d’hyperkaliémie sévère +++, IA, cas cliniques et références (abonnés)


La suite est réservée aux membres et stagiaires du site.
Connexion | Devenir membre | Devenir stagiaire